CONTEXTE ARCHEOLOGIQUE

     La grotte de Bédeilhac fut connue et fréquentée de tous temps. Déjà au siècle dernier, des fouilleurs locaux comme Filhol, Noulet et Garrigou (1866) s'y succédèrent. A partir de 1906, date à laquelle l'abbé Breuil et H. Obermaier authentifièrent les peintures paléolithiques découvertes par E. Harlé, la grotte attira de nombreux fouilleurs.

     Les fouilles anciennes (notamment celles de Jauze et Mandement et celles du Commandant Octobon qui furent parmi les plus importantes) n'ont pas été publiées ou l'ont été de manière très succincte, de sorte que l'on ne dispose que de très peu d'informations concernant la chronologie et les circonstances de l'occupation de la grotte au Paléolithique supérieur. Selon toute vraisemblance, la grotte fut surtout fréquentée au cours du Magdalénien moyen et du Magdalénien supérieur.

     Les fouilles de M. Barbaza dans la Galerie Vidal, bien que d'extension limitée, fournissent de précieuses informations sur l'occupation magdalénienne de ce secteur de la caverne, en liaison probable avec le décor pariétal (B.S.P.A, 1997).

Historique
  • 1924-25. G. Vidal fouille l'entrée de la galerie qui porte aujourd'hui son nom.
  • 1927. R. Sawtell, I. Treat et P. Vaillant-Couturier visitent la grotte et racontent leur « excursion » dans « Primitive Hearths in the Pyrenees » (description de quelques objets découverts presque en surface dans le foyer de la Salle Terminale : pointes de sagaies, un burin-grattoir, des dents de cheval percées).
  • 1927-29. Fouilles de J. Mandement et B. Jauze sur les terrasses de la Salle de l'Eboulis. Découverte de nombreuses plaquettes gravées.
  • Vers 1935-39. Fouilles du Commandant E. Octobon et de son fils Robert dans la Salle Terminale (« Foyer T »).
  • 1941. Fouilles de R. Robert à l'entrée de la galerie de droite (B.S.P.F., 1943).
  • 1944. Fouilles de sauvetage de R. Robert pendant les travaux de nivellement par les Allemands, qui détruisirent le talus d'accès de la galerie Vidal (B.S.P.F., 1946).
  • 1950. M. Martel découvre une « cachette » magdalénienne dans un lambeau du talus de la galerie Vidal (silex, sagaies, plaquette gravée d'un arrière-train de cheval).
  • 1950. R. Robert découvre le propulseur du « faon à l'oiseau » dans un boyau rampant, à g. du vestibule des salles Jauze-Mandement (B.S.P.A., 1953).
  • 1950-53. R. Robert fouille l'entrée de la galerie Vidal (harpon à deux rangées de barbelures et nombreuses plaquettes de psammite et de limon calcité gravées) ; les terrasses de la Salle de l'Eboulis ; le foyer de la Salle Terminale (tête de cheval en contour découpé) (B.S.P.A., 1953).
  • 1993-96. Fouilles de M. Barbaza dans la galerie Vidal (B.S.P.A, 1997).
(voir Bibliographie)



Fouilles archéologiques de Bédeilhac (1993-1996)

Michel Barbaza

     Les travaux réalisés au cours de quatre campagnes successives ont, malheureusement, assez largement confirmé l'importance des destructions ou des dégradations des horizons archéologiques jadis recelés par l'immense caverne. Malgré ce constat regrettable, le bilan de l'intervention effectuée entre 1993 et 1996 est loin d'être négatif et d'heureuses découvertes ont pu être réalisées dans des lambeaux de sédiments non perturbés. Un certain nombre d'entre elles étaient réellement inattendues et le résultat global est, il faut le reconnaître, véritablement inespéré. A partir d'un tel constat mais bien inutilement, on se surprendra à envisager la somme de connaissances qui auraient pu être établies si le gisement avait été étudié convenablement dans son ensemble. Les nouvelles recherches ont été assez tôt recentrées sur la galerie Vidal, moins atteinte que les autres zones, peut-être parce qu'il s'agit d'un diverticule modeste à l'échelle de l'immense caverne et que sa fréquentation a été moins intense.

     Les travaux qui y ont été engagés ont eu pour finalité de préciser le contexte archéologique des représentations pariétales qui ornent ses parois. La problématique a été centrée sur les relations entre les représentations pariétales (et au sol) et les vestiges matériels du Magdalénien moyen et supérieur. Pour qui connaît un peu l'immensité de la grotte, il est clair qu'une relation de proximité immédiate liait les vestiges matériels et les témoignages artistiques. Il semblait impossible d'admettre, ainsi que cela a pu être envisagé, que leur juxtaposition qui se vérifiait dans tous les cas avérés de présence au cours du Magdalénien moyen, puisse relever du seul pur hasard. Plusieurs hypothèses permettaient de structurer la réflexion à leur sujet. Au terme de celle-ci, il apparaît que les preuves irréfutables de l'existence d'habitats véritables n'existent pas mais, dans ce que permet l'état actuel des connaissances, rien dans les données disponibles ne s'oppose à ce qu'on envisage cette proposition comme une réalité effective.

     D'après les indications du matériel lithique étudié par Sébastien Lacombe, on aurait bien, sur place, un segment relativement important d'une chaîne opératoire de débitage orientée exclusivement vers la production de lamelles. Une production in situ est également suggérée par la présence de pièces techniques ainsi que par de nombreux petits éclats de retouche, fragments et esquilles.
     Dans la galerie Vidal, les pièces techniques résultant du travail des matières dures animales ne sont pas représentées parmi le petit mobilier osseux récolté, mais sont par contre nombreuses parmi les objets de la collection Octobon (Musée de Menton). Le travail de l'os a donc bien eu lieu également dans Bédeilhac. Les pièces ostéologiques, elles aussi, nombreuses et variées, appartiennent à plusieurs espèces : le Bouquetin, le Renne, le Cheval et vraisemblablement le Bison sont représentés, mais n'ont certainement pas l'exclusivité. Les restes osseux sont très fragmentés et dispersés au sein des sédiments. Le feu est quant à lui assez largement attesté. Ces dispositions sont parfaitement visibles dans les lambeaux de couche archéologique révélés par les fouilles le long de la paroi de gauche de la galerie Vidal (cliché ci-contre).

     L'approche palethnologique des vestiges recelés par le fond de cette même galerie, c'est-à-dire par le tronçon de galerie situé immédiatement après la zone d'« habitat » est allée, au gré des découvertes, bien au delà de ce qui était escompté. Dans ce domaine, pas de certitude non plus, mais des remarques ouvrant soit sur des interrogations pour des observations futures dans des lieux analogues, soit sur des faits établis ailleurs et qu'ainsi elles confortent.

     L'aspect le plus spectaculaire est certainement constitué par ce qu'il est possible de considérer comme un aménagement pouvant participer au fonctionnement de la galerie ornée en tant que sanctuaire. A ce titre s'inscrivent d'abord une cuvette évidée artificiellement, dont le modeste remplissage s'est révélé d'une richesse exceptionnelle en pollens, surtout si l'on tient compte de la pauvreté générale des autres secteurs et, ensuite, l'étrange « bloc calcaire » isolé dans cette même structure, et faisant face à la paroi ornée (cliché ci-contre).

     Quelle que soit l'opinion que l'on adopte à l'égard de ce bloc, il faut bien admettre que ses caractères anthropozoomorphes naturels, supposés ou réels, valent bien ceux, de nature comparable, qui sont généralement admis dans de nombreux autres lieux fréquentés au cours du Magdalénien moyen, y compris, d'après les travaux de Georges Sauvet, dans Bédeilhac même.

     Le troisième point à porter au bénéfice de l'opération est fourni par les datations (14C-AMS) de plusieurs niveaux archéologiques de la galerie, avec essentiellement la reconnaissance d'une fréquentation principale au cours de la première moitié du 14ème millénaire B.P. et, peut-être aussi vers la fin de ce même millénaire. Secondairement, on a également retenu l'indice, toujours selon les résultats des mêmes analyses, d'une présence humaine sporadique à des moments parfois surprenants de la Préhistoire (Mésolithique moyen ; Néolithique ancien), ou de l'Histoire (haut Moyen-Age).

     En dernier point, ressort ici comme ailleurs l'extraordinaire capacité documentaire des niveaux archéologiques et sols de circulation des grottes ornées. Cela est vrai même si des travaux anciens ont cru pouvoir affirmer le contraire, et tel était bien d'ailleurs le cas pour la galerie Vidal. Seuls les « foyers » épais et sombres étaient en effet susceptibles de retenir alors l'attention ; c'est vraisemblablement ce qui explique que le modeste sol de circulation de la zone ornée de la galerie Vidal ait été négligé dans son ensemble. Les quatre campagnes de fouille qui se sont terminées par un nettoyage discret et un rangement limité des débris qui encombraient la galerie, ont contribué, il est possible de l'espérer, à redonner à cette partie de la caverne un peu de la dignité qu'elle n'aurait jamais dû perdre.

     Ailleurs, dans les lieux où les vestiges étaient certainement plus densément présents et incluaient parfois quelques chefs-d'oeuvre de l'art mobilier paléolithique, les fouilles anciennes ont été intenses. Les destructions ont été, a-t-il semblé, beaucoup plus lourdes et n'ont dû épargner, dans le meilleur des cas, que d'infimes lambeaux difficilement exploitables. Après un examen critique de l'ensemble de la caverne et sans grand espoir, peut-être à tort, de voir se renouveler le « miracle » de la galerie Vidal, il a semblé préférable de limiter l'intervention à cette seule zone, et d'éviter ainsi que les travaux se perdre dans l'immensité de la caverne à la recherche d'une hypothétique problématique nouvelle. Convaincu du contraire, je me réjouirais néanmoins s'il est un jour démontré que de telles opportunités existent encore malgré tout, car elles ne pourraient qu'être éminemment précieuses pour les recherches qu'entreprendront les générations à venir.

M.B. (juin 1998)



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